Des cigarettes. "Hou la vilaine!" crieront à l'envie ceux qui me regardent avec arrogance depuis bientôt deux mois en se retenant de me lancer un "on a gagné" bien senti.
Et bien mes petits loulous il va falloir vous y faire, je fume et je ne suis pas la seule. On est plein de rebelles dans la même galère. Oh, n'ayez crainte, je ne vais pas transgresser votre sacro-sainte loi, je n'enfumerai plus mon bar préféré, j'irai sur le trottoir avec mes nouveaux amis d'infortune et nous parlerons de la pluie et du beau temps sous la pluie ( ou plus, si affinités..., et vous avez remarqué comme les fumeurs se trouvent souvent des affinités?)
Et oui, je fume. Mais vous ne savez peut-être pas ( vous me trouvez "vilaine", je vous ai entendu) que je n'ai jamais imposé ma dépendance aux non fumeurs, que je n'en grille jamais une quand je suis près d'un enfant et que le respect existe aussi chez les fumeurs ( ne baissez pas les yeux, je vous l'affirme!) L'intolérance n'est peut-être pas du côté que l'on croit.
C'est vrai, je fume.
Et çà remonte à loin.
Je me revois, à 16 ans, m'entraîner à ne pas "crapoter" en m'observant dans le reflet de la fenêtre de ma chambre, à moitié dehors pour que l'odeur n'arrive pas au nez délicat de ma maman qui m'aurait sans doute privée de sorties pendant un mois. A 16 ans je fume pour me donner des allures. On fait ce qu'on peut avec son adolescence.
Evidemment, j'ai "su" fumer très vite. Et là...Horreur...J'ai aimé çà.
Ma cigarette a pris alors beaucoup de place, au point de ne plus me quitter.
Mon premier appart, dans cette ville étudiante, avait une odeur de cendrier.
- effluves incessantes de tabac froid
- mégots écrasés dans des pots de yaourt La Laitière (disséminés un peu partout)
- cendrier Ricard format XXL ( toujours plein), qui trônait sur la table basse ( la table basse étant d'ailleurs, avec le matelas au sol, l'ameublement unique de ce 1er appart.)
- paquets de clopes vides qui traînaient un peu partout (sans la mention "fumer tue") dans cette déco minimaliste
Un copain à l'âme artistique m'avait offert une oeuvre de sa création: une maquette hyperréaliste du genre mégots plantés dans la moquette avec canette de kro délicatement agencés près d'un rouge à lèvres ouvert négligement posé ( collé par l'artiste) là. Elle a eu son petit succès, c'était l'époque où on ne jugeait pas quelqu'un sur son appartenance ou non à la dangereuse secte des fumeurs.
C'est marrant, dans un groupe quelqu'il soit, je me suis toujours bien entendue avec les fumeurs: çà crée des liens de se tuer, ENSEMBLE, à petit feu.
Enfin voilà, une fois devenue maître de ma vie, je n'ai plus eu le courage de quitter mon petit cylindre de 6 cm de longueur sur 8 mm de diamètre.
Je fume. Même si je ne sais plus pourquoi. Une béquille face aux dures réalités de la vie? Peut-être. Une façon de s'auto-détruire, je sais. D'être plus lègère, souvent. Les raisons ne s'expliquent pas, et puis ce sont les miennes, çà s'arrête là.
Mais rassurez-vous ( puisque je sens que je vous irrite, là), bientôt on va peut-être m'interdire de fumer chez moi. Je vois bien Monsieur X, commandité par l'office HLM, arriver un matin (juste au moment où je déguste ma première cigarette, vous savez? - non, vous ne savez pas-, celle d'après le premier café, la divine) et me tendre un papier officiel genre " D'après la nouvelle loi du dernier nouveau ministre de notre santé à tous, il est désormais strictement interdit de fumer chez toi, çà jaunit les tapisseries ( et ton teint, et tes dents...Alouette), tu risques de mettre le feu à l'immeuble ( en t'endormant avec ta clope dégueulasse au bec) et même (pourquoi pas), c'est mauvais pour ta santé ( mentale?)..."
Alors voilà, je vous le dis tout simplement je vais vous laisser. Je ne veux plus perdre un instant, je vous laisse pour vite, vite, aller m'en griller une dans mon salon.
Tant que je le peux encore.